mercredi 20 février 2013

Un conte à rendre : Blanche-Neige

Il était une fois une reine qui se faisait chier grave.
On ne peut pas dire que le roi faisait attention à elle, ni que ses activités, limitées à la broderie, à la supervision de la préparation des repas et à la participation à des soirées caritatives où on lui demandait de sourire et de se taire malgré la torture que lui infligeaient ses chaussures, ne l'enthousiasmait vraiment. Alors la reine piquait discrètement des bouteilles de gin dans la cuisine pour oublier les nuits passées au côté de son rustre de mari et les jours à s'emmerder.
Un jour d'hiver, la reine brodait auprès d'une fenêtre ouverte, en espérant choper une bonne grippe qui lui permettrait d'avoir une excuse pour rester seule au pieu. Elle avait également un bon coup dans le nez : elle finit par se piquer le doigt. Quelques gouttes de sang rouge tombèrent par la fenêtre encadrée d'ébène sur la neige blanche. Dans son ivresse prononcée, la reine s'esclaffa que c'était trop cool, toutes ces couleurs, et souhaita avoir un enfant dont la peau serait blanche comme la neige, les lèvres rouges comme le sang, et les cheveux noirs comme l'ébène. Ses suivantes, qui se foutaient bien de sa gueule et se réjouissaient à l'avance de raconter cette anecdote à la presse, lui dirent que l'idée était très classe.
Quelques mois plus tard, la reine mit au monde une fille dans l'indifférence générale. Le roi aurait souhaité un héritier et, apprenant la naissance de Gudule, se détourna de son épouse. Serviteurs et soigneurs imitèrent leur Seigneur et la reine mourut quelques jours après l'accouchement d'une infection mal soignée.