samedi 25 septembre 2010

Un clou chasse l'autre



Je lis rarement les pages sport du Monde.fr, mais quand je suis tombée sur un titre à la une sur la difficile promotion du foot féminin, j'ai cliqué, même si j'ai ce sport en horreur.
En 98, on nous promettait que les dames allaient s'intéresser au foot, surtout pour mater les fesses de Manu Petit. Nos champions (pas besoin de préciser lesquels, hein, on n'en a pas eu tant que ça !) étaient des icônes de la mode et celles qui crachaient encore sur le foot étaient has been. Ca n'a pas duré. Le football est vite redevenu le bastion machiste qu'il a toujours été, avec ses supporters relous, ses sportifs consommateurs de prostituées et ses entraîneurs coutumiers des remarques homophobes.
La passion que le sport déchaîne a transformé la défaite de cet été en catastrophe nationale (et pendant ce temps, des centaines de personnes mouraient au Kirghizistan, mais tout le monde s'en fout). L'équipe nationale était la cible de toutes les moqueries. Quelques voix se sont élevées pour dire qu'à côté de ça, l'équipe féminine avait de très bons résultats. Mais ça n'est pas allé très loin. Le foot féminin ? Quel intérêt ?

Pourtant, les footeuses aimeraient bien qu'on parle un peu d'elles, et la FFF tente de redorer son blason en mettant en avant leurs performances. Comment faire parler du foot féminin ? En parlant de leur talent ? Si le talent des femmes déplaçait des foules, ça se saurait. Alors, plutôt que parler foot, sport, résultats, buts, on n'a qu'à parler de leur physique !
Le but serait de casser le stéréotype qui serait à l'origine de la défection des supporters pour la discipline (ce que je crois sans peine). Le cliché de la footeuse, donc, c'est une gonzesse moche, bâtie comme un travelo, potentiellement lesbienne, brutale et vulgaire : bref, le garçon manqué pas féminin, pas baisable. Evidemment que c'est faux, et même si c'était vrai, quel intérêt, puisqu'on leur demande de taper dans un ballon, pas de décorer le salon de Mr. Heffner ? Mais il faut bien constater que le garçon manqué fait fuir les médias. Pour casser un stéréotype, on a le choix : soit on réagit intelligemment en démontrant qu'il n'a pas lieu d'être, soit on le remplace bêtement par un autre. La FFF étant dirigée par des gens malins, la seconde solution a été choisie : il s'agit donc de montrer que les footeuses ne sont pas des thons, mais des bonnasses. Un clou chasse l'autre.

L'an dernier, la FFF a fait fort en les faisant poser à poil. Attention, c'est pas vulgaire, c'est glamour. On les photographie toutes nues, en disant bien que c'est à regret, mais pas dans des poses cochonnes de vilain porno, ça non, on mate avec respect, hein. On vend leurs corps, mais c'est pas pour le business, c'est pour faire réfléchir. Le message tamponné sous les photos était "faut-il en arriver là pour que vous veniez nous voir jouer ?" : pertinent mais hélas, la photo est faite, on en est déjà arrivé là, le message est tué. D'ailleurs, ça fait tellement réagir que personne n'en a parlé. J'espère qu'en plus les dames n'ont pas chopé froid.
Alors, pour cette année, on continue dans le glamour, on cache les footeuses et on utilise Adriana Karembeu. Toujours prête à rendre service, l'ambassadrice de la Croix Rouge a posé pour une série de photo. Celle présentée sur le site du Monde (ce-dessous) allie l'imagerie du foot (les vestiaires, les grandes chaussettes), l'atmosphère féminine (les placards roses façon boudoir pour Barbie décoratrice chez M6) et la gestuelle sensuelle (mais non, elle ne se caresse pas la jambe, elle met -ou enlève- ses chaussettes). Glamour, sexy, sensuel, pas vulgaire qu'on vous dit !


Si c'est pas vulgaire, pourquoi se plaindre ? Qu'y a-t-il de mal à montrer que les footeuses peuvent être désirables ? Etre désirable serait donc un drame ?
C'est toute la difficulté qu'a le discours féministe pour se faire entendre : il est plus subtil que le simple manichéisme dont on l'accuse. Etre désirable n'est pas un mal en soi, ce qui l'est , c'est le système sexiste qui force les femmes à l'être, ne valorise que les femmes sexy et dévalorise celles qui ne le sont pas (pire, celles qui refusent de l'être). Cette pression n'est pas évidente pour tout le monde, certains ne la voient pas (sont-ils chanceux, de mauvaise foi, ou aveugles ? j'ai rencontré les trois), d'autres la nient carrément. Il existe pourtant une collection d'exemples répertoriés dans des ouvrages (du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir au récent Petit traité contre le sexisme ordinaire de Brigitte Grésy) et des analyses publiées dans de nombreux articles (en particulier dans le domaine des Gender Studies : c'est du sérieux, pas une élucubration de frustrées). Cette pression reste discrète car elle prend la forme de petites remarques, entendues sporadiquement ("pourquoi tu ne te maquilles pas ?", "tu aurais pu mettre une jupe"), elle se traduit par la prépondérance de filles sexy et disponibles dans les médias, les unes des magazines féminins, les publicités... C'est ce qu'on appelle le sexisme ordinaire.
J'ai fait une petite recherche google image pour illustrer ce billet, ça fait peur : nos footeuses ne sont pas prêtes de s'en dépêtrer, de ce sexisme ordinaire. Courage, mesdames, on est avec vous !

samedi 18 septembre 2010

La guerre des sexes version TF1


Même la question la plus sérieuse prend une dimension ridicule lorsque TF1 l'aborde. Surtout quand c'est dans une émission aussi intellectuelle que Koh-Lanta. Le contenu de telles émissions ne me parait cependant pas anodin, étant donné la quantité impressionnante de personnes qui les regardent fidèlement en éteignant les cerveaux (Coca-Cola vous dit merci, chers téléspectateurs !). Les messages publicitaires qui s'infiltrent dans les esprits rendus disponibles des travailleurs épuisés le vendredi soir ne sont pas la seule pollution distillée par la chaîne : la vision rétrograde et simpliste de la société et de l'humain en général, construite pour ne pas heurter les certitudes de la ménagère de moins de 50 ans et de son époux friand de divertissements à peu de frais, qui est proposée dans ce type de programme, n'est pas moins abrutissante.
Je n'ai pas honte de le dire : je suis depuis quelques années une fidèle de Koh-Lanta. Je me tamponne de leurs épreuves à deux balles comme de mon premier soutif, et je ne prétendrai pas m'intéresser au paysages qu'on aperçoit vaguement au générique ni aux sociétés locales dont on distingue quelquefois un spécimen entre deux plans sur les singes et les lézards. J'aime voir les candidats galérer sur la plage pour bouffer deux moules et un citron pas mûr, et je l'assume. La survie me fascine depuis que j'ai dévoré Robinson Crusoë au collège, j'ai toujours rêvé de me construire ma cabane et de trouver mon dîner dans la nature (quoique dépendre du Auchan de Cergy-Pontoise pour assurer sa subsistance, c'est aussi une belle expérience de survie, dans son genre). Je suis une fanatique de Raphaël, Grégoire et Freddy, tandis que les bisbilles entre les candidats m'emmerdent prodigieusement.

Je ne sais pas si c'est le casting, le montage et la mise en scène qui font ça ou si c'est une véritable tendance qui transparait dans ce programme comme partout, mais le comportement des femmes de Koh-Lanta est dans la plupart des cas complètement stéréotypé. Prétextant leur manque de force physique, elles glandent sur la plage en attendant que les hommes leurs ramènent la bouffe. Elles se chargent de la popotte mais ne s'occupent pas du feu (pourtant, souffler sur trois braises, c'est pas le bout du monde), elles chialent quand il pleut, braillent dès qu'une vilaine bébête pointe le bout de sa patte velue ou griffue... On se croirait dans un manuel scolaire sur la préhistoire dicté par un vieux schnock barbu à sa secrétaire docile en se grattant les roubignoles.
Les mecs, présentateur et voix off inclus, n'ont d'ailleurs pas tellement de considération pour elles (qu'elles la méritent ou non) : dès qu'il y en a une qui gagne une épreuve ou pêche une palourde, elle gagne le qualificatif d"Amazone" tellement ça surprend tout le monde ; un comportement volontaire parait si surprenant qu'il les aide souvent à gagner. De toute manière, le nombre de plans sur leurs nichons tressautant ou leurs petits culs se trémoussant pendant les épreuves montre bien ce que la production attend d'elles.
Même si je sais bien qu'il faut pas s'attendre à autre chose de la part de TF1, ça me fait râler à tous les coups. Remarquez, râler sur des dindes le vendredi soir, ça fait du bien. C'est ainsi avec une joie mauvaise teintée d'une appréhension bien légitime que j'ai accueilli le premier épisode de Koh-Lanta : Vietnam hier soir, où les deux équipes seront non mixtes (c'est pas que je sois pour la non-mixité, hein, bien au contraire, le pseudo-débat sur la mixité à l'école qu'on nous fait subir en ce moment m'insupporte). Enfin, me disais-je, elles vont devoir se bouger, allumer le feu, se chercher à bouffer toutes seules ! Je l'ai déjà dit ici, qu'on se batte pour que les machos nous laissent une place au soleil, c'est une normal, mais c'est inutile si les femmes continuent à se comporter comme des poupées dociles et faiblardes. L'égalité ne se mendie pas, elle se gagne au prix d'une remise en question.
Dès que les candidats ont été mis au courant de ce qui les attendait, ça n'a pas loupé : sous le regard goguenards de ces messieurs, les gonzesses se sont demandées ce qu'elles allaient devenir, et la casse-burnes de service a commencé à faire la tronche, pasque les nanas, ça piaille, c'est faible et ça fait des histoires. A l'arrivée sur les plages, tout de même, une surprise attendait les deux équipes : une femme (Véronique, plus toute jeune et sympa) dans le camp des hommes, un homme (Boris, jeune et vachement bien gaulé) dans le camp des femmes. La première épreuve a été offerte aux dames pour faire croire qu'elles avaient une chance (je parie que la poutre des mecs a été savonnée). Mamie Véronique s'est chargée de la bouffe au grand plaisir de ces messieurs appréciant une présence féminine (je serais curieuse de voir comment ils auraient réagi s'ils avaient hérité d'un top model anorexique), Boris le preux a allumé le feu. L'enquiquineuse geignarde qui, je suppose, ne pouvais simplement pas se passer d'hommes et était bouffée de jalousie devant toutes des nanas bien plus jolies qu'elle, s'est faite virer à l'unanimité après son accrochage avec la seule qui se bougeait sérieusement. Je m'attendais franchement à plus trash.
Reste que j'ai toujours l'espoir, étant donné les personnes qui ont été sélectionnées (la coiffeuse hyper-active, l'hôtesse de l'air sous acides ou la lutteuse taciturne), de boire du petit lait en voyant, enfin, des candidates qui servent à autre chose qu'à empêcher le riz d'attacher au fond de la casserole. Enfin, je ne m'attends pas à des miracles, non plus : quand on mate des conneries à la télé, faut pas se plaindre que le débat ne vole pas haut.

Allez, courage. Canal+ nous annonce à grand renfort de publicité sexy sa nouvelle série, "Maison close". Vous pariez combien qu'on va se retrouver devant un programme racoleur, rabâchant des poncifs sur l'identité de genre et renforçant les clichés sur la prostitution ?

dimanche 5 septembre 2010

Première rentrée des classes




Personne n'a pu échapper au battage médiatique : jeudi, c'était la rentrée des classes.
Pour mon petit bonhomme, c'était la première fois. Je vous rassure, tout s'est bien passé. Il était tout heureux d'aller enfin à l'école, il a été sage et a adoré l'école. La preuve, samedi il a fait un caprice pour y retourner.
Pour moi, ça a été un peu plus dur. Il faut pouvoir accepter de lâcher son petit bout dans ce monde de brutes. L'influence de la maîtresse, que je n'ai pas choisie au contraire de la nounou, va presque égaler la mienne. Et si elle lui racontait des bêtises ? Et les copains vont sans doute lui apprendre plein de bêtises. Et s'il était en classe avec des racistes ?
Enfin, c'est la vie.

L'idée de la maternelle, c'est surtout de socialiser les mômes. Peut-on les socialiser, leur apprendre à vivre ensemble, sans les formater ? Sans faire d'eux another brick in the wall ? Je veux croire que oui. Mais le corps enseignant est-il désireux d'éviter de leur inculquer des codes sociaux, en particulier l'identité de genre ? J'ai bien l'impression que, pour ça, je suis mal tombée.
Dès le premier jour, ça a commencé : on nous confie un "cahier de vie scolaire" pour chaque enfant, avec un protège-cahier bleu pour les garçons, rouge pour les filles. La liste des enfants affichée à l'entrée de l'école présente leurs noms en bleu et rose. Pourquoi cette différence ? Est-elle vraiment nécessaire ? Je ne le crois pas.
Le comble a été le second jour. Je ramenais à la maison mon poussin qui me racontait sa journée avec enthousiasme. "Et puis j'ai été sur le tobogan, et là, la maîtresse a dit que c'était l'heure des mamans". J'ai déjà entendu avec horreur cette expression désuette, et j'ai réagi de manière épidermique en corrigeant mon fils "l'heure des mamans ET des papas". C'est évident, en plus, il y avait plein de papas venus chercher leurs enfants. Alexandre, habitué à un partage des tâches égalitaire à la maison, a acquiescé tant cela lui paraissait évident. Avec un peu de chance, si la maîtresse réutilise cette expression, il la corrigera ! Comment peut-elle nier l'implication des pères d'aujourd'hui ? Elle les a sous le nez tous les jours !

J'espère franchement me tromper et que tous ces détails ne sont que de fausses alertes. Il faudra que nous soyons vigilants pour empêcher que notre fils soit conditionné... Mais je crains que ce ne soit qu'un début : quand on voit sur le blog d'Olympe ce qu'on trouve dans les fournitures scolaires...