vendredi 30 mai 2008

On m'aurait menti ?

Monsieur le juge, nous venons vous voir, car nous voulons divorcer.
- Mmmmh... Je vois sur votre dossier que vous vous êtes mariés il y a un mois seulement...
- Oui, mais nous nous sommes séparés le lendemain de notre mariage.
- Le lendemain ! Mais que c'est-il donc passé ?
- Vous voyez, je suis dingue des cacahuètes grillées. Pas les salées, hein, les grillées seulement. Elle m'avait juré qu'elle aimait ça aussi. Que les cacahuètes grillées, ça comptait autant pour elle que pour moi, qu'elle ne pouvait pas concevoir un apéritif sans elles. Et moi, je l'ai crue ! On s'est mariés, je pensais qu'on avait la même manière de concevoir l'apéro. Et puis, vous savez, l'apéro, c'est la pierre angulaire d'un couple, dans notre milieu.
- Si vous le dites...
- Mettez-vous à ma place ! J'appartiens à une culture qui n'est peut-être pas la même que la vôtre, mais ça ne veut pas dire que je suis différent de vous, ni que je vaux moins que vous...
- Enfin, je ne vois pas le problème, pour l'instant.
- Le soir de notre mariage, je l'ai amenée dans notre chambre, et j'ai débouché une bouteille de champagne, juste pour nous deux. J'ai ouvert un paquet de cacahuètes pour aller avec. Et là, elle a reculé. Ca m'a étonné, je lui ai demandé ce qu'elle avait. Il a fallu discuter longtemps pour qu'elle m'avoue qu'elle était allergique !
- Ah ben oui, l'allergie aux arachides, c'est pas rare...
- Non mais vous vous rendez compte ? Elle est allergique ! Elle m'avait pourtant juré qu'elle adorait les cacahuètes, que ça comptait autant pour elle que pour moi ! Je veux annuler mon mariage.
- Vous voulez annuler votre mariage pour un problème de.... cacahuètes.
- C'est pas seulement une question de cacahuètes, monsieur le juge. Elle m'a menti. Elle n'est pas celle qu'elle prétendait être. Comment pourrai-je lui faire confiance à l'avenir ?
- Parce que le goût pour les cacahuètes, et le culte de l'apéro, ça change tout à une personne pour vous ?
- Je me doutais bien que vous ne comprendriez pas. C'est une question de priorités, de croyances. Les cacahuètes, ça fait partie de mon mode de vie, l'apéro, c'est indispensable.
- Vous vous foutez de ma gueule ?
- Non, mais attendez, on annule bien des mariages pour une question de virginité ! C'est pas plus con que pour des cacahuètes ! Quelle est la différence entre une femme qui cache la perte de sa virginité et une femme qui cache son allergie à la cacahuètes ? L'importance de la virginité a aux yeux des religieux est-elle plus grande que celle des cacahuètes pour les amateurs d'apéros ? Moi, au moins, je ne considère pas que je possède son corps, je ne m'autorise pas un droit de regard sur son passé. Je me fous qu'elle ait mangé des noix de cajou avant de me connaître. Elle est un individu à part entière, elle existe par elle-même et pas seulement en tant qu'épouse et mère.
-Mais enfin, ce n'est pas pareil... C'est une autre culture, on peut ne pas être d'accord et respecter leurs priorités...
- Ouais, on disait ça avant aussi pour ne pas interdire l'excision en France : "c'est une autre culture, il faut laisser faire". Ça porte un nom, ça, c'est du relativisme social. Alors, au nom du relativisme social, je vous demande d'annuler mon mariage. Elle est d'accord en plus.
- Si j'annule votre mariage, vous me promettez de ne plus jamais revenir ?

mercredi 28 mai 2008

"Pourquoi les filles battent les garçons à l'école"

C'est avec bonheur que j'ai découvert cet article du Monde ce matin. Il s'agit de comprendre, à l'aide des dernières études menées, pour quoi les filles ont de meilleurs résultats à l'école que les garçons.

De nombreuses études ont été conduites, depuis l'avènement de la neurobiologie, pour tenter de débusquer les différences cérébrales entre hommes et femmes. Tout et n'importe quoi a été dit, et le n'importe quoi est joyeusement passé dans l'imaginaire collectif. Des âneries sur les connections entre neurones supposées différentes entre les deux sexes ou la capacité à utiliser un hémisphère, un autre, ou les deux, sont utilisées tout à fait innocemment par le Français (très) moyen pour justifier ce qui l'arrange et ce qui ne remet pas en question ses préjugés. Par contre, le fait que la plupart de ces études aient été infirmées n'est pas connu du grand public.

L'article a également la grâce de rappeler que le cerveau n'est pas totalement construit à la naissance, ce qui suggère que l'environnement peut influer sur son développement. La question de la différence hommes/femmes (si tant est qu'elle soit significative) ne trouvera donc pas de réponses en examinant cet organe, mais en observant l'éducation qu'on donne aux enfants. L'éducation donnée aux filles a l'avantage (faut bien qu'il y en aie un !) de convenir à ce qui est demandé à l'école : être sage, écouter ce qu'on dit et bien travailler. On les surveille plus, et, les enseignantes étant majoritairement des femmes, elles trouvent plus facilement un modèle auquel s'identifier. L'identification et la croyance en une douceur et une empathie supérieures à celles des hommes les conduiront à s'orienter vers des carrières où elles pourront prendre soin des autres (médecine, éducation...).

Jusqu'à maintenant, toutes les tentatives de prouver que les femmes étaient par nature comme ci ou comme ça ont échoué. Par contre, les théorie sociologiques marchent bien. Pourquoi une bonne partie de la population, avec l'aide des médias, s'accroche-t-elle encore à l'idée que notre naissance impose nos choix de vie et nos priorités ? Pourquoi continue-t-on à pousser nos enfants dans une voie qualifiée de naturelle ? Pourquoi rejette-t-on ceux et celles qui tentent simplement de vivre de la manière qu'ils ont choisie ? Est-il si difficile d'accepter nous sommes des individus avant d'être des animaux gouvernés par nos hormones ?

mardi 13 mai 2008

Sauvez le point-virgule !!!


J'aime les œuvres littéraires qui dérangent. J'aime les livres non conformistes. Je trouve jubilatoire de profiter d'un ouvrage qui fait râler des gens qui ne l'ont pas lu. Je crains que d'ici peu de temps, je doive aussi me déclarer admiratrice de Flaubert.

Ce petit symbole si joli dont j'use et j'abuse avec délectation serait en voie de disparition, d'après Sylvie Prioul, qui a recherché sans grand succès à le retrouver dans la presse. Pourtant, le point-virgule est né pour rendre les argumentaires plus clairs... Il permet de respirer entre deux idées, il organise les choses. La virgule ne sépare pas assez, le point cloisonne violemment ; le point-virgule joint sans unir, sépare à l'amiable deux propositions qui ont en commun une même phrase. Le sens de la nuance qu'il apporte, le rythme qu'il donne au phrases est d'une beauté et d'une harmonie sans égale.

Pourquoi l'abandonner ? La mode est aux phrases courtes, ne comportant qu'une idée chacune, à l'anglo-saxonne. Il s'agit maintenant de décrire les choses. Une texte est fait pour être argumentatif ou descriptif, en aucun cas joli. Les phrases comportent un sujet, un verbe, et peut-être un complément. Il ne faut pas surcharger le cerveau du lecteur. La réflexion est réservée au fond. Il ne faut pas qu'on doivent respirer au milieu de la phrase.
Pourtant, le petit point virgule fait de la résistance. Les mots ont chacun leur sonorité, leur musique ; le point-virgule n'est qu'une manière supplémentaire qu'a le rédacteur, devenu chef-d'orchestre, de donner ordre et rythme à tous ses instruments dispersés.

Ne cessons pas d'employer notre ami le point-virgule ; vaillamment, insérons-le dès que la décence le permet (avec un espace insécable avant et un espace après, comme le mérite un symbole typographique double). Après tout, le point-virgule est bien sympathique : c'est lui qui nous permet de marquer notre connivence, si l'on penche la tête...
;-)